Effets de la COVID-19 sur les patients atteints d’une valvulopathie cardiaque : Perspective d’un clinicien

Réponses de la part du Dr Charles Peniston, Spécialiste en chirurgie cardiovasculaire, Président du Conseil d’administration de VMV.

Q : Au début de la pandémie, quels ont été certains des effets ou certaines des tendances que vous avez constatés dans le domaine cardiologique et parmi vos patients en général?

Toutes les procédures facultatives ont cessé, car la préoccupation première était d’assurer la sécurité de la population générale, des patients hospitalisés et du personnel, et de veiller à ce que les services puissent être fournis en toute sécurité. La population de patients hospitalisés a diminué de façon spectaculaire; beaucoup de personnes avaient peur de se pointer le nez dehors ou d’entrer en contact avec d’autres membres de la population générale qui pourraient potentiellement être porteurs du virus. Certaines tendances ont été observées au niveau mondial : les victimes de crises cardiaques et d’accidents vasculaires cérébraux, ainsi que les personnes souffrant de problèmes cardiaques connus, évitaient les hôpitaux de crainte d’être infectées par le virus. Ce fut particulièrement le cas dans les hôpitaux où le nombre de patients hospitalisés pour la COVID-19 augmentait. La plupart des praticiens ont cessé de voir leurs patients pour des suivis de routine, car nous étions confrontés à une nouvelle maladie et nous cherchions les meilleurs moyens d’en arrêter la propagation et de protéger les patients vulnérables. Les hôpitaux étaient également soucieux de préserver la capacité d’accueil des patients atteints de la COVID-19.

Q : En comparaison, en quoi ces effets/tendances ont-ils changés par rapport à ce que vous constatez aujourd’hui, cinq mois plus tard?

Le nombre de patients qui présentaient des symptômes aigus a d’abord diminué. Depuis, nous constatons cependant une augmentation lente et régulière du nombre de patients qui sont évalués pour une maladie cardiaque. Au début, ce sont surtout les patients les plus malades qui étaient examinés, car ce sont eux qui présentaient des symptômes suffisamment graves pour se présenter aux urgences. Au fil du temps, les patients qui avaient appris à vivre avec leurs symptômes ont commencé à être vus pour des procédures davantage facultatives. Bien que les hôpitaux ne soient jamais fermés aux patients urgents ou en situation de crise, il y a une accumulation de patients qui n’ont pas encore été évalués et qui en ont besoin. Nous avons constaté que les patients qui entreprenaient des procédures telles que l’implantation d’une valve aortique par transcathétérisme (IVAT), l’intervention coronarienne percutanée (ICP) et la chirurgie cardiaque ont été beaucoup plus malades en moyenne, maintenant que nous avons recommencé à les voir. Cela continue d’être le cas, car nous pratiquons des interventions sur des patients dont la charge de morbidité est plus importante que d’habitude, très probablement en raison des répercussions des longues périodes d’attente pendant la pandémie.

Q : L’augmentation de la sévérité ou du nombre de malades que vous avez constatée récemment est-elle le résultat de procédures/chirurgies retardées ou alors le résultat de patients qui n’ont pas cherché à se faire soigner quand ils le devaient? Ou les deux?

Je pense que c’est une combinaison de facteurs : une capacité initiale diminuée et la peur de contracter la COVID-19 par contact avec des patients qui pourraient avoir le virus ou être des porteurs asymptomatiques. Il y avait beaucoup à apprendre sur la COVID-19 et je pense que les craintes persistantes de ne pas disposer d’un équipement de protection individuelle (EPI) suffisant ont fait en sorte que les gens ont eu l’impression qu’ils ne devaient pas se rendre à l’hôpital, sauf en cas d’urgence absolue. Malheureusement, de nombreux symptômes de valvulopathie cardiaque sont subtils et peuvent être confondus avec les symptômes d’autres maladies ou simplement comme étant des aspects du « vieillissement ». Cette réalité ne fait qu’amplifier le nombre de personnes qui sont restées chez elles au lieu de se rendre à l’hôpital, en ayant l’impression d’économiser des EPI ou de ne pas utiliser inutilement des ressources. En outre, il est probable que lorsque de nombreux hôpitaux ont établi une politique de non-visite, moins de gens ont été enclins à demander de l’aide, car les membres de la famille jouent un rôle de soutien très important pour les patients, en particulier ceux qui souffrent de valvulopathies cardiaques. Chaque hôpital a sa propre politique, mais dans mon hôpital, la politique de visite est en cours de relâchement progressif.

Q : Quels conseils donneriez-vous aux patients atteints de valvulopathies cardiaques qui gèrent leur état pendant cette pandémie? Plus particulièrement à ceux qui hésitent de se rendre dans des cliniques ou des hôpitaux pendant la COVID-19?

Les maladies valvulaires cardiaques sont courantes, graves, mais traitables. Il est très important que les patients demandent de l’aide médicale s’ils développent des symptômes. C’est surtout vrai pour les patients souffrant de maladies aiguës ou ceux dont les symptômes s’aggravent considérablement.  Nous savons également que, sans traitement, la santé des patients souffrant de maladies telles que la sténose aortique ou l’insuffisance cardiaque se détériorera probablement avec le temps. Il est donc très important de continuer à chercher de l’aide et des conseils médicaux. Les hôpitaux et les praticiens ont mis en place de nombreuses mesures de protection pour assurer la sécurité des patients, des membres de leur famille et du personnel. Le taux de transmission des nouveaux cas de COVID-19 dans les hôpitaux et les cabinets médicaux est négligeable à ce stade. Personne ne devrait craindre de se rendre chez son médecin ou à l’hôpital.  

Q : Quels conseils donneriez-vous aux Canadiens qui n’ont pas reçu de diagnostic de maladie valvulaire cardiaque, mais qui pourraient en présenter des signes ou des symptômes?

Ils ne devraient pas s’abstenir de consulter un médecin. Il est dans leur intérêt de prendre rendez-vous en cas de nouveaux symptômes ou si des symptômes tels que des douleurs thoraciques, un essoufflement, des difficultés à dormir la nuit et un gonflement des jambes devaient s’aggraver. Demander conseil ne comporte aucun danger et pourrait éviter une nouvelle détérioration de leur état. Surtout, nous pourrons alors recommander et mettre en œuvre les tests et traitements appropriés. Il est très important d’y aller, tout simplement, et de demander l’avis de son médecin.

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